Exonération de CFE : pourquoi les tatoueurs ne sont pas considérés comme des artistes ?

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Les tatoueurs ont une dent contre la cotisation foncière des entreprises (CFE).

La CFE est un impôt local payé par les entreprises. Son montant dépend de la valeur des locaux utilisés pour l’activité et de la commune concernée. Il existe, comme souvent, des exonérations.

Ainsi, l’article 1460, 2° du CGI exonère de CFE « les peintres, sculpteurs, graveurs et dessinateurs considérés comme artistes auteurs d’oeuvres graphiques et plastiques mentionnés à l’article L 382-1 du code de la sécurité sociale et ne vendant que le produit de leur art ».

Les tatoueurs sont écartés du bénéfice de cette disposition. Cette situation ne les satisfait absolument pas (https://syndicat-national-des-artistes-tatoueurs.assoconnect.com/articles/110251-le-conseil-d-etat-refuse-le-debat-aux-tatoueurs). Leur mécontentement s’exprime assez régulièrement devant les juridictions administratives[1].

Il est vrai que les tatouages peuvent être vus comme des œuvres originales exécutées à la main selon une conception et une réalisation personnelle et présenter une part de création artistique. Certains tatoueurs considèrent donc que leur activité peut être assimilable à celle d’un artiste graveur notamment.

Alors, pour quelles raisons les tatoueurs sont-ils exclus ?

1°) La réglementation

La rédaction de l’article 1460, 2° du CGI a récemment été actualisée par le législateur (article 148 de la loi 2023-1322 du 29 décembre 2023). Ensuite, l’administration a précisé sa doctrine (BOI-IF-CFE-10-30-10-60, 3 juillet 2024).

Il en résulte que pour les artistes-auteurs d’œuvres graphiques et plastiques (dont notamment les peintres, les sculpteurs, les dessinateurs, les graveurs…), l’exonération de CFE bénéficie à ceux qui remplissent les conditions cumulatives suivantes :

– être considérés comme artistes-auteurs d’œuvres graphiques et plastiques mentionnés à l’article L 382-1 du Code de la sécurité sociale ;

– Ne vendre que le produit de leur art.

Les exonérations étant d’application stricte, l’administration rappelle que l’exonération ne vise que les professions limitativement énumérées sans aucune possibilité d’assimilation.

2°) La situation des tatoueurs

Selon un arrêt du Conseil d’Etat du 5 décembre 2022 (https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000046690096?init=true&page=1&query=&searchField=ALL&tab_selection=cetat ), les tatoueurs ne peuvent être regardés comme vendant le produit de leur art.  Pour la Haute assemblée, ils réalisent une prestation de service et non des objets cessibles eu égard au principe de non-patrimonialité du corps humain[2].

La doctrine administrative (BOI-IF-CFE-10-30-10-60, n°200, 3 juillet 2024) s’est directement référée à cet arrêt pour exclure les tatoueurs.

Ainsi, la situation semble assez compromise en droit interne. Le syndicat national des artistes tatoueurs et des professionnels du tatouage s’est retourné vers la CEDH qui n’a pas encore statué.

En attendant, les tatoueurs restent marqués… par l’impôt.


[1] Tribunal administratif de Dijon, 2ème Chambre, 16 janvier 2024, 2300735.

Tribunal administratif de Strasbourg, 3ème Chambre, 8 avril 2024, 2301805

[2] article 16-1 du Code civil

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