Caillebotte : une alliance État-privé pour l’acquisition d’un trésor national

Vous avez peut-être eu la chance d’admirer les œuvres de Gustave Caillebotte. Une magnifique exposition qui lui est consacrée au Musée d’Orsay jusqu’au 19 janvier 2025 ( https://www.musee-orsay.fr/fr/agenda/expositions/caillebotte-peindre-les-hommes ).

Cette exposition est notamment motivée par l’acquisition en 2023, par le musée d’Orsay, du tableau « Partie de bateau ». L’œuvre est estimée à 43 millions d’euros. Elle appartenait aux descendants du frère de l’artiste (lui-même n’ayant pas eu d’enfant) jusqu’en 1986 puis à une collection privée.

Comment le musée d’Orsay, dont le budget d’acquisition plafonne à 3 millions d’euros, a-t-il pu réussir ce tour de force ?

C’est un dispositif particulier de mécénat s’appuyant sur une forte incitation fiscale qui a rendu possible cette acquisition et, par conséquent, le maintien en France de cette œuvre majeure.

Ce dispositif figure à l’article 238 bis-0 A du CGI. Il permet aux entreprises imposées à l’impôt sur les sociétés de bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 90 % des versements effectués en faveur :

  • de l’achat de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux. Ils doivent avoir fait l’objet d’un refus de délivrance d’un certificat d’exportation par l’autorité administrative. Ils ont donné lieu à une offre d’achat par l’État ;
  • ou de biens culturels situés en France ou à l’étranger dont l’acquisition présenterait un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie.

Appliquée sur l’impôt dû au titre de l’exercice d’acceptation des versements, la réduction ne peut excéder 50 % du montant de l’impôt.

Pour le tableau « Partie de bateau », c’est le groupe LVMH, seul, qui a apporté son financement.

Il est intéressant de revenir sur le processus original de cette opération.

1°) les biens concernés

a) Biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux ayant fait l’objet d’un refus de délivrance d’un certificat d’exportation et pour lesquels l'État a fait au propriétaire du bien une offre d’achat

Les trésors nationaux, définis par l’article L. 111-1 du Code du patrimoine, doivent avoir fait l’objet d’un refus de délivrance d’un certificat d’exportation. Ce certificat délivré par le ministre chargé de la culture autorise le propriétaire du bien, ou son mandataire, à exporter celui-ci hors du territoire douanier. Ce certificat ne peut être refusé qu’aux biens culturels présentant le caractère de trésor national. Le refus de délivrance ne peut intervenir qu’après avis motivé d’une commission paritaire (article L. 111-4 du Code du patrimoine).

Par ailleurs, les biens doivent avoir fait l’objet d’une offre d’achat par l’État pour son compte ou pour le compte de toute personne publique (article L. 121-1 du Code du patrimoine).

Enfin, lorsque l’autorité administrative et le propriétaire se sont entendus sur le prix de cession d’un bien culturel, le ministre chargé de la culture peut publier au Journal officiel un avis à destination des entreprises susceptibles de bénéficier de la réduction d’impôt.

C’est cette procédure qui a été utilisée pour l’acquisition de la « partie de bateau » de Gustave Caillebotte. L’avis d’appel au mécénat d’entreprise est encore accessible en ligne (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045407365 ).

b) Biens présentant un intérêt majeur pour le patrimoine

Il s’agit des biens dont l’acquisition présenterait un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art, ou de l’archéologie. Un avis motivé d’une commission composée de représentants de l’État et de personnalités qualifiées est prévu (article L. 111-4 du Code du patrimoine).

2°) Procédure d’acceptation de l’offre de versement

Pour ouvrir droit à la réduction d’impôt, les versements effectués par l’entreprise doivent faire l’objet d’une acceptation par le ministre chargé de la culture et le ministre chargé du budget.

Plusieurs entreprises peuvent participer à l’achat par l’État ou toute personne publique d’un trésor national. Concernant le tableau de Gustave Caillebotte, LVMH est mécène exclusif ce qui lui permet, au passage, de ne pas devoir partager la lumière.

Conclusion

Ce dispositif a l’immense mérite de permettre d’éviter que des œuvres majeures quittent le territoire national.

Certains diront que l’opération, après imputation de la réduction fiscale, n’a coûté « que » 4,3 millions d’euros au groupe LVMH. Le reste est indirectement acquitté par le contribuable.

Toutefois, au regard du succès de l’exposition consacrée à Gustave Caillebotte par le musée d’Orsay et de l’impact à plus long terme sur la renommée de sa collection, on peut aussi se dire que l’investissement est loin d’être à perte.

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Ndla : illustration : Photo de Gustave Caillebotte 1878

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