L’actualité fiscale brûlante du marché de l’art réside dans la modification des règles applicables en matière de TVA au 1er janvier 2025.
Tout d’abord, il convient de rappeler que lorsque qu’un artiste vend ses œuvres par l’intermédiaire d’une galerie, l’intervention de celle-ci peut s’effectuer selon trois modalités (BOI-TVA-SECT-90-40, 4 mars 2015, n°145 et s.) :
– la galerie loue ses cimaises (ce qui est, en pratique, très fréquent). Dans ce cas, l’artiste assume personnellement toutes les charges (publicité, catalogue, vernissage, etc.) et perçoit le produit intégral des ventes. Dans cette situation, l’artiste vend personnellement ses œuvres. Il est imposable sur le prix de vente total réclamé aux acquéreurs de ses œuvres. La galerie est imposable sur les sommes facturées à l’artiste au titre de la location de cimaises ;
– la galerie agit comme commissionnaire, courtier ou dépositaire. Les opérations réalisées par les intermédiaires qui agissent en leur nom propre mais pour le compte d’autrui, la base d’imposition est constituée par le montant total de la transaction (article 266 I b du CGI). La galerie est réputée livrer elle-même l’œuvre à l’acquéreur. Sa base d’imposition est égale au montant total de l’opération et correspond au prix acquitté par l’acquéreur, commission comprise ;
– la galerie achète les œuvres de l’artiste. Dans ce cas, la base d’imposition de l’artiste est constituée des sommes reçues de la galerie au titre de la vente de l’œuvre.
Le taux réduit de TVA de 5,5 % s’applique aux ventes par l’auteur de l’œuvre d’art (mais aussi aux importations et acquisitions intracommunautaires). Ainsi, dans le premier cas (la galerie loue ses cimaises), la vente de l’œuvre par l’artiste bénéficie de ce taux réduit.
Dans les deux derniers cas, pour des opérations intégralement réalisées en France, le taux réduit ne pouvait pas s’appliquer (BOI-TVA-SECT-90-40, 4 mars 2015, n°300). Toutefois, cette situation va changer à compter du 1er janvier 2025 par l’entrée en vigueur de l’article 83 I 5°à 8° et II de la loi de finances pour 2024[1] (loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023). L’aspect le plus spectaculaire de la loi est d’étendre l’application de ce taux réduit en cas de revente. Toutefois, en y regardant de plus près, l’impact sur le marché n’est peut-être pas si important en raison des particularités (également modifiées) du régime de TVA applicable aux œuvres d’art.
1°) L’option pour le régime de la marge est supprimée et l’application du taux réduit (5,5 %) devient le principe au 1er janvier 2025
Jusqu’à présent (et jusqu’au 31 décembre 2024) la revente des œuvres d’art était soumise au taux normal de TVA (20 %), en principe, sur le prix de vente total. Néanmoins, les assujettis-revendeurs (galeristes, marchands, maison de vente) avaient la possibilité d’opter pour le régime de la marge (article 297 B du CGI).
Exemple de fonctionnement de régime de la marge (option supprimée à compter du 1er janvier 2025) : un marchand fait l’acquisition auprès d’un artiste (redevable de la TVA) d’une œuvre pour un prix de 10 000 € TTC. Il cède l’œuvre pour 19 000 € TTC. Le régime de la marge bénéficiaire permet de calculer la TVA sur 9 000 €, au lieu de la calculer sur le prix de la vente global.
La TVA est donc limitée à 9 000 – (9 000 x 0,833) = 1 500 € au lieu de 3 167 € dans l’hypothèse de l’application de la TVA à 20 % sur le prix de vente global.
L’option pour le régime de la marge est supprimée à compter du 1er janvier 2025[2].
Dans l’exemple, ci-dessus, en imaginant que le prix de vente reste le même (19 000 € TTC) la TVA de marchand sera calculée au taux de 5,5 % (nouveau taux applicable) comme suit :
19 000 – (19 000 x 0,948) = 990 €
A travers cet exemple on peut s’apercevoir que la différence de TVA collectée entre l’option pour le régime de la marge, en pratique quasi-systématiquement exercée, et la TVA à 5,5 % sur le prix de vente global n’est pas si forte. Dans une hypothèse où la marge du revendeur serait faible, l’Etat pourrait même y gagner dans le cadre de l’application du taux réduit.
Par ailleurs, en appliquant la TVA sur le prix total, le marchand peut déduire la TVA d’amont (acquittée lors de l’acquisition).
2°) L’exception : lorsque le régime de la marge s’applique de plein droit, l’application du taux normal subsiste
Lorsqu’une œuvre a été acquise auprès d’un non redevable (artiste bénéficiant de la franchise en base de TVA) ou d’un autre assujetti-revendeur ayant lui-même appliqué le régime de la marge, ce régime de la marge s’applique de plein droit lors de la revente (article 297 A du CGI)[3].
Par exemple, une galerie a acheté une œuvre à un artiste non assujetti à la TVA pour un prix de 4 000 €. Il la revend 7 000 €.
La marge bénéficiaire TTC est égale à 7 000 – 4 000 = 3 000 €
La TVA (au taux de 20 %) est égale à 3 000 – (3 000 x 0,833) = 500 €
Néanmoins, dans ce cas, la galerie aura également la possibilité d’opter pour le régime général de la TVA (article 297 C du CGI). Le taux de 5, 5 % sera alors être appliqué sur le prix total lors de la revente de l’oeuvre.
Dans l’exemple, ci-dessus, en imaginant que le prix de vente reste le même (7 000 € TTC), la TVA de la galerie sera calculée au taux de 5,5 % (nouveau taux applicable) comme suit :
7 000 – (7 000 x 0,948) = 364 €
On voit, dans cet exemple que l’option pour le régime général, qui est ouverte opération par opération, s’avère plus intéressante que le régime de la marge. Ce sera sans doute, du fait de la baisse du taux à 5,5 %, une conclusion plus fréquente qu’auparavant.
Conclusion
Cette réforme induit, dans l’immédiat, une vérification, au cas par cas, des implications financières de ces changements et, très rapidement, un changement des habitudes opérationnelles pour les acteurs du marché de l’art.
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[1] Cet article prend lui-même en compte une directive communautaire (UE/2022/542) du 5 avril 2022
[2] L’option pour la marge étant exercée pour 2 ans, il sera intéressant de connaître les précisions de l’administration sur les options en cours au 1er janvier 2025.
[3] On remarquera que le système de la marge forfaitaire (article 297 A III du CGI) qui, lorsqu’il est difficile de déterminer avec précision le prix d’achat d’une œuvre ou si le prix n’est pas significatif, permet de fixer la base d’imposition de la TVA à 30 % du prix de vente HT, est également supprimé à compter du 1er janvier 2025.
Nda : L’illustration accompagnant cet article est La Vocation de Saint Matthieu, chef-d’œuvre de Caravage (1599-1600), exposé à l’église San Luigi dei Francesi à Rome