Un NFT, c’est quoi ce bidule ? Quel est le rapport avec l’art ? Accessoirement, pourquoi de la TVA sur la vente NFT ?
Je ne suis pas certain d’arriver à captiver ma tata Monique, fan des Bee gees, sur le sujet (cf. https://www.glf-avocats.fr/photographie-et-tva-ladministration-fiscale-privee-dappreciation-artistique/). C’est un tort car un bout d’une version live confidentielle de « Night Fever » accessible uniquement par elle sur son ordinateur, ce serait le cadeau de sa vie.
Un NFT (pour Non-Fungible Token, ou jeton non fongible en français) est un jeton virtuel associé à une œuvre d’art ou à tout autre média numérique.
Les NFT reposent sur la technologie blockchain (comme la crypto-monnaie). Un identifiant unique est attribué à chaque NFT. Cet identifiant le lie à une position spécifique sur la blockchain. Un NFT est donc assimilable à un certificat numérique de propriété, attestant de l’authenticité du média (une vidéo, une image, un son…) qui lui est associé.
Chaque jeton est unique et possède une valeur qui lui est propre. Ce principe différencie les NFT des crypto-monnaies. Les jetons de monnaie virtuelle sont interchangeables. Pour les NFT, c’est différent : chacun est irremplaçable. L’œuvre est donc identifiable et rare. Sa valeur peut, dès lors, être importante.
Si nous reprenons l’exemple de la photographie de tata Monique (cf. https://www.glf-avocats.fr/photographie-et-tva-ladministration-fiscale-privee-dappreciation-artistique/), elle peut être associée à un NFT qui certifie qui est l’auteur de l’image. La cession ne porte pas sur cette image en tant que telle, mais sur le jeton qui représente la position sur la blockchain à laquelle le média est associé.
Techniquement, il convient de « minter » la photographie pour en faire un NFT. Cela consiste à associer la photo à un identifiant unique stocké sur la blockchain, permettant de l’authentifier et de garantir qu’elle ne sera pas copiée.
Pour acheter des NFT ou les revendre, il faut utiliser une plateforme spécialisée. Les NFT s’achètent à l’aide de crypto-monnaies (souvent Ethereum).
Depuis plusieurs années maintenant, les NFT sont devenus un outil utilisé par les artistes pour se faire connaître et pour percevoir une rémunération directe lors de la cession de leur œuvre. Certaines cessions ont été réalisées pour des montants records.
Bien entendu, ce développement n’a pas manqué de créer des interrogations fiscales. La question du taux de TVA applicable (cf. https://www.glf-avocats.fr/marche-de-lart-et-reforme-de-la-tva-les-nouveaux-reflexes-au-1er-janvier-2025/) en cas de cession de NFT associé à une œuvre d’art s’est évidemment posée.
L’administration, par une réponse à un rescrit du 14 février 2024 (BOI-RES-TVA-000140), a donné sa position récemment sur le sujet des NFT et de la TVA.
1°) Comprendre le lien entre NFT et TVA, l’approche générale de l’administration
Selon l’administration, les NFT ne font l’objet d’aucun dispositif spécifique en matière de TVA. Les principes et règles en la matière s’appliquent à leur égard dans les conditions habituelles.
Ainsi, dès lors que le NFT est utilisé comme un certificat de propriété d’un bien corporel ou incorporel, une transaction emportant transfert d’un NFT ne porte pas sur le jeton en lui-même, mais sur le bien ou service auquel il se rapporte. Il y a donc lieu d’examiner au cas par cas, en appliquant les règles de TVA de droit commun, celles qui auraient été mises en œuvre si le bien ou le service avait été livré ou fourni sans le recours à un NFT.
Autrement dit, le NFT est ici résumé à un simple certificat de propriété et l’administration considère que c’est le bien (ou le service) auquel il est associé (œuvre graphique, carte de jeux, vidéos…) qui détermine le régime de TVA applicable.
2°) Concernant les œuvres graphiques numériques
L’administration considère que les œuvres graphiques numériques constituent des biens incorporels. Dès lors, le transfert des droits qui s’y rattachent est qualifié de prestation de services (ce qui impacte les règles de territorialité et d’exigibilité de la TVA notamment).
Concernant le taux de TVA applicable, l’administration précise que le bénéfice d’un taux réduit (5,5 %) ne sera accordé que si l’opération portant sur l’élément sous-jacent répond aux critères définis par le code général des impôts. Les compositions créées par l’artiste via des procédés informatiques et non entièrement exécutées à la main ne sont ainsi pas susceptibles de bénéficier du taux réduit de 5,5 % de la TVA.
Cette dernière phrase a bien entendu créé une certaine tension dans le milieu très actif de l’art numérique qui l’a ressenti comme un jugement de valeur.
Même si l’affirmation de l’administration est un peu abrute, il faut la mettre en relation avec la rédaction de l’article 98 A de l’annexe III du CGI qui définit conformément à la directive communautaire, pour l’application du taux réduit, comme œuvres d’art notamment les « tableaux… entièrement exécutés à la main par l’artiste… ». L’extension du taux réduit à des œuvres créées par des procédés informatiques ne semble donc pas correspondre ni aux textes communautaires ni aux textes de droit interne qui les transposent.
Le sujet est peut-être un peu plus complexe pour les photographies comme celle de tata Monique citée plus-haut. Le taux réduit est ouvert aux photographies prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus (cf. https://www.glf-avocats.fr/photographie-et-tva-ladministration-fiscale-privee-dappreciation-artistique/). L’usage du NFT permettant de certifier de l’origine de la photographie, il est presque un gage de respect des conditions de fond. L’administration pourrait toutefois rétorquer que le taux réduit ne s’applique qu’aux cessions de biens corporels et que la cession, via le NFT, d’une photographie numérique est qualifiée de prestation de service, ce qui interdirait, en tout état de cause, l’application du taux réduit.
Pour ne pas rester sur une position totalement rigide, l’administration précise que sous réserve que les œuvres graphiques répondent aux critères de qualification d’« œuvres de l’esprit » au sens de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, leur cession sera soumise au taux réduit de 10 % (article 279 g du CGI). Il est nécessaire, dans ce cas, d’apporter la preuve que chaque cession de composition graphique s’accompagne également de la cession des droits d’auteur qui leur sont associés.
Il semble, toutefois, que la vente simultanée de l’œuvre d’art graphique et des droits d’auteur au sein du smart contract est une éventualité assez rare.
Il restera alors, à défaut de mieux, l’application du taux normal de 20 %.
Conclusion
L’art numérique s’est développé depuis les années 60 (premiers exemples d’œuvres créées par un ordinateur) et va certainement continuer à prendre de l’ampleur notamment grâce à l’IA. L’usage des NFT facilite le dynamisme de ce marché. Faut-il, dès lors, maintenir des taux de TVA plus élevés que pour les œuvres « traditionnelles » ? Rien n’est moins sûr si l’on veut qu’il se normalise.