Vous n’avez peut-être jamais entendu parler de l’investissement fractionné dans l’art. Si vous êtes attiré par les placements originaux et par l’art, le décryptage des clubs deals et de leur fiscalité devrait vous intéresser. Contrairement à ce que l’on pourrait craindre, il ne s’agit pas d’acheter de l’art en morceau. Le concept est un peu plus élaboré.
Il est également nouveau. Pour l’instant, on ne connaît que deux acteurs importants spécialisés dans ce type d’investissement MASTERWORKS aux Etats-Unis et, très récemment, MATIS en France. Cette dernière société, au regard du succès de son lancement sur le plan national, lève déjà des fonds pour un développement européen
( https://bourse.lefigaro.fr/fonds/investissement-dans-l-art-matis-leve-3-millions-d-euros-pour-conquerir-l-europe-20240527 ).
Présentation
Dans un article récent (mis à jour le 15 novembre 2024) du site « avenue des investisseurs » (https://avenuedesinvestisseurs.fr/investir-art/ ), l’investissement fractionné est présenté, avec toutes les réserves et prudences de rigueur liées aux investissements atypiques, comme une nouvelle solution pour investir dans l’art. Dans les comparatifs, elle est très justement située entre l’achat direct et le passage par un fonds d’investissement.
La solution est décrite comme permettant, à partir de 20 000 €, « d’investir de manière fractionnée dans des œuvres d’art iconiques. Ce modèle d’investissement collectif … offre une approche accessible aux œuvres habituellement réservées aux grandes fortunes. »
Vous ne pourrez toutefois pas exposer un tableau de Picasso dans votre salon grâce à cette solution. Au mieux, vous serez invité à découvrir l’œuvre dans le cadre d’un évènement particulier.
En effet, les opérateurs, comme MASTERWORKS et MATIS, sont des plateformes d’investissement reposant sur des équipes spécialisées qui s’occupent de la recherche des œuvres à acquérir (avec une forte décote permettant de générer des marges à la revente). Elles prennent en charge l’achat, la conservation et la revente. Le modèle économique repose sur la revente de l’œuvre assez rapidement (dans les 24 mois) en réalisant une plus-value aussi importante que possible. Cette plus-value est partagée, déduction faite des frais facturés par la plateforme, entre les investisseurs.
Précisions
Pour décrire les aspects juridiques et fiscaux de cette solution en France, le seul modèle existant, à l’heure actuelle, est celui de MATIS. Si d’autres acteurs interviennent dans l’avenir, ils créeront peut-être des schémas techniques différents. Néanmoins, celui de MATIS servira certainement de référence, c’est à ce titre qu’il nous paraît pertinent de nous pencher sur ce sujet.
1°) le support juridique de la solution
Pour chaque achat d’œuvre (club deal), une société par actions simplifié (SAS) dédiée est créée. Le délai moyen, annoncé par la plateforme, de détention des œuvres par la SAS est de 24 mois.
Il convient de souligner que les investisseurs n’entrent pas directement au capital de la société. Ils souscrivent des obligations convertibles en actions.
En résumé, ils sont créanciers de la société. Leur créance pourra, à terme (5 ans), être transformée en action de la société.
Toutefois, l’objectif n’est pas là. Si l’œuvre est vendue avant les 5 ans (ce qui est recherché), l’investisseur, détenteur d’obligations, est remboursé. Sa quote-part de plus-value lui est attribuée, selon la plateforme (https://www.matis.club/faq ) sous forme de primes appelées « primes de non-conversion des obligations ».
Exemple du fonctionnement d’un club deal avec une société dédiée : STA 000X SAS.
Si la vente n’a pu être opérée dans les 5 ans, les investisseurs peuvent (sur décision majoritaire) convertir leurs obligations en actions. Ils prennent alors le contrôle du véhicule d’investissement. Ils pourraient ainsi forcer la mise en vente de l’œuvre aux enchères (sans garantie bien entendu de rentabiliser leur investissement).
2°) Le traitement fiscal de la « prime de non conversion » pour les investisseurs
Concernant les particuliers fiscalement domiciliés en France, les primes liées aux obligations sont imposables quel que soit leur montant lors du remboursement du titre ou du droit, selon les mêmes modalités que les intérêts (BOI-RPPM-RCM-20-10-20-20, 30 juin 2022). Elles sont soumises au prélèvement forfaitaire unique (PFU, aussi couramment appelé flat tax) ou, sur option globale, au barème progressif avec application, lors de leur versement, du prélèvement forfaitaire non libératoire (PFNL).
Si l’investissement est réalisé par une société à l’impôt sur les sociétés, l’imposition pourrait se révéler plus complexe en raison de l’éventuelle application du mécanisme d’imposition étalée (article 238 septies E du CGI).
Si la vente n’a pas lieu dans les 5 ans et que les investisseurs sont contraints de convertir les obligations en actions, la situation pourrait plus complexe. La vente par la société pourrait générer un profit taxable à l’impôt sur les sociétés. Le résultat disponible fera l’objet d’une distribution soumise au PFU ou au barème. Enfin, il faudra liquider la société pour procéder au remboursement des actions.
Conclusion
L’investissement fractionné est une option qui laisse entrevoir de nombreux atouts sous réserve de reposer sur une plateforme performante. Sur le plan fiscal, dans un schéma où les gains restent aléatoires, la flat tax (tant qu’elle dure…) est un facteur central.
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Ndla : illustration : Edgar Degas, « Au bord de la mer, sur une plage, trois voiliers au loin »