En cette période de déficit budgétaire, il peut être intéressant, pour les entrepreneurs, de s’attarder un peu sur des dispositifs toujours en vigueur mais qui, limité dans le temps, pourrait ne pas être prorogés.
Tel est le cas de la déduction au titre des œuvres originales d’artistes vivants. Ce dispositif, visé à l’article 238 bis AB du CGI, concerne les entreprises qui achètent ce type d’œuvres avant le 31 décembre 2025.
Alors, pouvez-vous en profiter ?
Si vous êtes un professionnel libéral en BNC (bénéfices non commerciaux), vous pouvez vous arrêter là (BOI-BIC-CHG-70-10, n°5, 24 mai 2023). Le régime concerne les sociétés soumises, de plein droit ou sur option, à l’impôt sur les sociétés ainsi que celles qui relèvent du régime fiscal des sociétés de personnes en BIC (bénéfices industriels et commerciaux). Les titulaires de BNC sont donc exclus.
En revanche, les professionnels libéraux ayant constitué une société à l’IS peuvent continuer à s’intéresser à cet article.
Comment le dispositif fonctionne ?
Les entreprises peuvent déduire du résultat de l’exercice d’acquisition et des quatre années suivantes, par fractions égales, une somme égale au prix d’acquisition.
La déduction effectuée au titre de chaque exercice ne peut excéder le plafond de 20 000 € ou de 5 ‰ du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé, minoré du total des versements effectués pour les dons aux œuvres (en application de l’article 238 bis du CGI).
Quelques exemples pour aider :
1er exemple : l’entreprise n’a pas fait de dons aux œuvres
1. Au cours de l’année N, une entreprise réalise 5 000 000 € de chiffre d’affaires hors taxe. Pour cet exercice, le plafond applicable est donc fixé à 5‰ de son chiffre d’affaires Hors taxes (25 000 €).
L’entreprise acquiert l’œuvre d’un artiste vivant pour 150 000 € HT Hors taxes. La déduction fiscale sera échelonnée sur les 5 prochains exercices comptables, soit au maximum 30 000 € par an (150 000/5).
En raison du plafond, la déduction est limitée à 25 000 € pour l’année N, l’excédent est perdu.
2. Au cours de l’année N+1, l’entreprise réalise 6 500 000 € de chiffre d’affaires hors taxe. Pour cet exercice, le plafond est fixé à 32 500 €. L’entreprise bénéficie donc d’une déduction de 30 000 € en année N+1.
Cette logique se répète jusqu’à l’exercice N+4.
2ème exemple l’entreprise a fait des dons aux œuvres
L’entreprise A a réalisé au cours de l’exercice N un chiffre d’affaires de 1 M€. Par ailleurs, elle a effectué au cours du même exercice des dons aux œuvres pour un montant de 8 000 € et a acquis une œuvre d’artiste vivant pour un montant de 40 000 €. La fraction du prix d’acquisition de l’œuvre est déductible au titre de l’année N dans la limite de 8 000 € (40 000 € / 5).
Au titre de l’année N, la limite globale de prise en compte des versements calculée en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise A est de : 1 M€ x 5 ‰ = 5 000 €. Les versements effectués par l’entreprise A sont donc pris en compte dans la limite de 20 000 €, supérieure au plafond de 5 ‰ du chiffre d’affaires.
Les versements effectués au titre de l’article 238 bis du CGI étant de 8 000 €, la limite applicable aux sommes déductibles au titre de l’article 238 bis AB du CGI est de 12 000 € (20 000 € – 8 000 €). L’entreprise A pourra donc déduire la fraction du prix d’acquisition de l’œuvre en totalité au titre de l’année N, soit la somme de 8 000 € (40 000 € / 5).
Au cours de l’exercice N+1, l’entreprise A a réalisé un chiffre d’affaires de 1,5 M€. Elle a effectué au cours du même exercice des dons aux œuvres pour un montant de 16 000 €.
Au titre de l’année N+1, la limite globale de prise en compte des versements calculée en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise A est de : 1,5 M€ x 5 ‰ = 7 500 €. Les versements effectués par l’entreprise A sont donc pris en compte dans la limite de 20 000 €, supérieure au plafond de 5 ‰ du chiffre d’affaires.
Les versements effectués au titre de l’article 238 bis du CGI étant de 16 000 €, l’entreprise A ne peut déduire au titre de l’article 238 bis AB du CGI que 4 000 € (20 000 € – 16 000 €). Le montant n’ayant pu être déduit au cours de l’exercice N+1 (8 000 € – 4 000 €, soit 4 000 €) ne peut être reporté. Il est définitivement perdu.
Ce dispositif comporte-t-il des contraintes ?
La réponse est oui.
L’entreprise doit inscrire à un compte de réserve spéciale au passif du bilan une somme égale à la déduction opérée. La constitution de cette réserve limite nécessairement le bénéfice distribuable pour les associés ou les actionnaires.
Cette somme est réintégrée au résultat imposable en cas de changement d’affectation ou de cession de l’œuvre ou de prélèvement sur le compte de réserve (les textes ne précisent pas le sort de la réserve après la période initiale de 5 ans).
Par ailleurs, l’entreprise doit exposer dans un lieu accessible au public ou aux salariés, à l’exception de leurs bureaux, le bien qu’elle a acquis pour la période correspondant à l’exercice d’acquisition et aux quatre années suivantes.
L’exposition de l’œuvre peut être réalisée (BOI-BIC-CHG-70-10, n°90, 24 mai 2023) :
– dans les locaux de l’entreprise ou lors de manifestations organisées par elle ou par un tiers (un musée, une collectivité territoriale ou un établissement public auquel le bien aura été confié). Dans ce cas, le bien doit être situé dans un lieu effectivement accessible au public ou aux salariés, à l’exception de leurs bureaux. L’œuvre ne doit donc pas être placée dans un local réservé à une personne ou à un groupe restreint de personnes. Tel serait le cas notamment si le bien était situé dans un bureau personnel, dans une résidence personnelle ou si le lieu d’exposition était réservé aux seuls clients de l’entreprise. Une entreprise qui exposerait l’œuvre dans un lieu accessible aux seuls clients de l’entreprise et également au profit d’un public plus large, à l’occasion d’une manifestation annuelle ponctuelle, ne pourrait bénéficier de la déduction fiscale susvisée dans la mesure où l’œuvre n’est exposée que ponctuellement au profit d’un public plus large, et non pendant toute la période de cinq ans ;
– dans un musée auquel le bien est mis en dépôt ;
– par une région, un département, une commune ou un de leurs établissements publics ou un établissement public à caractère scientifique, culturel ou professionnel.
Quelles que soient les modalités d’exposition au public adoptées par l’entreprise, le public doit être informé du lieu d’exposition et de sa possibilité d’accès au bien. L’entreprise doit donc communiquer l’information appropriée au public, par des indications attractives sur le lieu même de l’exposition et par tous moyens promotionnels adaptés à l’importance de l’œuvre.
Conclusion
Disons que ce dispositif peut, le cas échant, venir en appui d’un projet préexistant d’entreprise orienté vers les artistes vivants.
En revanche, le dispositif présente bien trop de contraintes et de limites pour que l’intérêt fiscal soit moteur du projet.